Mon Kronos par Pascal B.
Akro-nos !
Je contemple la machine, empreint de fierté, d’abnégation sans doute, d’humilité tout autant et totalement bienheureux.
Du coup, compte tenu quand même de mon âge avancé où la fraîcheur tient un peu plus du souvenir contrit que de l’actualité éclatante, j’ai une furieuse tendance à revisiter le passé.
Le passé donc.
Guitariste de formation, mon inclination naturelle m’a cependant toujours porté vers les claviers. Je bavais ainsi assidûment d’admiration devant les machines de la fin des années 80, dans les magasins d’instruments de Metz où j’étais étudiant. Pas pour moi, me disais-je. Déterminisme, quand tu nous tiens !
J’acquis un peu plus tard, à vil prix, au gré d’une brocante de banlieue, un petit Casio en plastique plein, aux sonorités de jouet et aux touches sautillantes. Le pas était donc franchi avec, quelques mois plus loin, l’achat du E20 Roland, arrangeur assez monstrueux pour l’époque, mais déjà dépassé au moment de la transaction.
Vint alors le M1, que j’ai toujours, révélation intense, sur lequel j’ai passé des soirées et des nuits plus souvent qu’à mon tour. J’appréciais le concept de workstation, autonome et ouverte à la créativité. Les sons m’ont toujours scotché.
Au détour d’un forum bien connu sur les synthétiseurs, j’appris que nous étions nombreux à avoir essayé bien des matériels. C’est plutôt déculpabilisant si je songe que j’ai donc tâté Yamaha DX7 II, 01W/FD, Roland XP50, Korg Wavestation, Roland D50, séquenceurs (Yamaha QY10, QY700, QY70), boîtes à rythmes (DR550, RY20, DR880), logiciels MAO – Logic Audio, Cubase – et plugiciels… Matériels achetés au gré des connaissances, des avis, des modes peut-être, revendus, parfois regrettés, oubliés dans certains cas, mais toujours me laissant dans un sentiment d’incomplétude.
L’acquisition du Triton, il y a dix ans, a répondu en partie à cette demande intime. Il est devenu la pièce maîtresse de mon set avec le complément de Cubase Studio 5.
Je me suis intéressé au M3 à sa sortie et, surtout, au Motif XF, qui me semblait allier puissance, souplesse et parfaite articulation avec Cubase, variété des sons et arpégiateurs.
J’avais lu sur AudioFanzine l’article sur le Kurzweil PC3K qui m’a conduit, il y a peu, chez mon magasin de musique préféré, celui-là même que craignent et mon épouse et mon banquier. On parle, on discute, on échange, on dispute aux marques les qualités et les défauts, on égrène les rêves et les besoins j’apprends que le Kurzweil n’est pas disponible pour l’instant, mais que son concurrent direct, last but not least, le Kronos, se présente dans sa robe brossée de noir, comme un chevalier altier et quasi impétueux. Il s’allume, il m’essaye.
Dois-je avouer que non seulement j’ai retrouvé des sensations jubilatoires comparables à celles que je connus avec le M1, mais que l’expertise apportée par le vendeur aguerri de mon magasin, ajoutée à toute la documentation glanée sur Internet, notamment, m’ont convaincu que la complétude résidait dorénavant sous mes doigts. Les timbres, les sons, les séquences, les modulations, les programmations, le Karma, les synthèses, l’audio, l’éditeur informatique … les possibilités de la machine sont exponentielles, exceptionnelles. Par ailleurs, le système est ouvert, évolutif j’ai désormais tout ce dont j’ai besoin. La complétude disais-je.
J’ai donc craqué, contemplatif, assis sur le rebord du monde, rongeant ma patience. Le temps d’être livré. Même pas coupable. Même pas un peu.
J’écris ces quelques lignes et je goûte la machine, empreint de fierté et certain que, plus souvent qu’à mon tour, je vais y passer des soirées et des nuits peut-être – quand je suis en vacances, ce sera Kronosphage Ce qui, enfin, m’emplit d’une joie insigne, reste la certitude qu’il va me falloir quelques années avant d’en faire le tour, avant de le maîtriser complètement, quand bien cela serait possible. Belle perspective.. et qui contraint à rester jeune. Je crois que je suis devenu akro-nos !
Pascal